REX de notre visite au salon Made in France organisé par Première Vision

le 23/09/2020 par Carmel Mc Donald

Photos salon septembre 2020 © Alexandre Gallosi

Comment et pourquoi se tourner vers le Made in France ? Qu’est-ce que cela implique pour les marques ? La relocalisation de la filière textile est-elle possible ?

Notre équipe s’est rendue les 1er & 2 septembre derniers au Carreau du Temple à Paris, pour assister au salon Made in France organisé par Première Vision.

Le salon Made in France, c’est LE salon parisien des façonniers tricolores. Au rendez-vous :

- Une centaine d’exposants venus mettre en lumière leur savoir-faire et leurs expertises
- 4 conférences autour d’un sujet d’actualité : la relocalisation de la filière textile
- Un hackathon pour apporter des solutions concrètes à des marques en recherche de partenaires industriels pour produire en France
- Plus de 3500 visiteurs, professionnels de la mode et du textile à la recherche de compétences industrielles.

 

Notre directeur Philippe BLANCHART a eu la chance d’assister aux deux premières conférences du salon :

« LA LOGIQUE DE FILIÈRE DE A À Z » animée par Pascal Gautrand, fondateur de Made in Town et consultant Première Vision, accompagné de Eric Boël, Dirigeant Les Tissages de Charlieu et Thomas Huriez, Président de 1083.

« LE B.A.-BA DES PRATIQUES COLLABORATIVES » avec les participations de la Ministre Agnès Pannier-Runacher, Guillaume de Seynes, Président du Comité Stratégie de Filière Mode et Luxe,Yves Dubief,Président de l’Union des Industries Textiles, Guillaume Gibault,Président du Slip Français, Léa Marie, Directrice Adjoint Habillement à l’IFTH, Sophie Pineau, membre du Conseil d’Administration du GFF et Présidente Getex, Marc Pradal, Président de l’UFIMH et PDG de Kiplay et Clarisse Reille, directrice générale du DEFI.

 

Voici ce qu’il en est ressorti :

« Au travers de ces 2 conférences, nous avons ressenti que la crise du COVID a joué un rôle de catalyseur et a mis la filière textile en première ligne pour la fabrication des masques. Car en effet, depuis 30 ans, cette filière a été plutôt démantelée en faveur des délocalisations vers l’Asie et emportée par la Fast Fashion.

Dès le mois de mars, face à la pénurie de masques, les différents acteurs de la filière se sont mobilisés, ont appris à se (re)découvrir, à partager leur savoir-faire et ont finalement pris conscience qu’une filière textile Made in France faisait vraiment sens.

Certaines marques émergentes comme 1083 ou le Slip Français en ont fait leur stratégie d’entreprise et connaissent aujourd’hui un certain succès. Tout l’enjeu de la filière, au-delà de la fabrication des masques, est donc aujourd’hui de travailler à la mise en place d’un nouveau modèle économique Made in France pérenne, mais aussi d’accompagner la transformation digitale et organisationnelle des entreprises pour atteindre cet objectif. »

Photos salon septembre 2020 © Alexandre Gallosi

Pour ma part, j’ai eu l’occasion d’assister à deux conférences :

« JE RELOCALISE, TU RELOCALISES, NOUS RELOCALISONS » animé par Lucas Delattre, Professeur en communication à l’IFM et accompagné de Paul Boyer, Fondateur et Directeur Général LINportant, Yves Jego, président de Pro France / Origine France Garantie et Rodolphe Meersschaert, Directeur de production agnès b.

« À LA RECONQUÊTE DES TERRITOIRES » conférence menée par Pascal Gautrand, assisté de Nadia Bedar, Directrice du projet de candidature Patrimoine de l’humanité auprès de l’UNESCO pour le pays de Millau, Sylvie Bénard, Présidente de Paris Good Fashion et Laurent Vandenbor, Délégué Général Mode Grand Ouest.

Cette deuxième journée de conférences a débuté avec le constat suivant : la mondialisation a atteint son paroxysme. Yves Jego a illustré cette réalité avec une anecdote sur la production de cornichon : il y a quelques années, certaines industries françaises ont fait le choix de délocaliser la production de cornichons en Inde (où le climat permettait une récolte plus importante et où le faible coût de main d’œuvre engendrait la baisse du prix de revient). Face à cette nouvelle concurrence, les plus petits producteurs ont dû s’adapter et ont trouvé un marché en Europe de l’Est.

Résultat : aujourd’hui plus de 80% des cornichons consommés en France viennent de Chine et la majorité de la production française de cornichons est envoyée à des milliers de kilomètres avant d’être consommée… Voilà donc « une des nombreuses aberrations de la mondialisation… »

Cet exemple illustre parfaitement les limites de notre système et la nécessité de revenir à un « bon sens paysan ».

 

Photos salon septembre 2020 © Alexandre Gallosi

 

Relocaliser, oui mais comment et à quel prix ?

Malgré la prise de conscience collective et la meilleure volonté des industriels, la mise en route de la relocalisation se heurte à une réalité économique : le consommateur, bien que de plus en plus exigeant sur les origines de ses produits, ne sera pas prêt à payer son produit plus cher qu’à l’accoutumé.

La relocalisation nécessite donc un changement du business model avec des produits aux marges divisées (par rapport à des produits fabriqués en Chine) et une refonte du marketing produit. Celui-ci doit être orienté vers la transparence des marges, de l’origine de la matière et du lieu de fabrication permettant ainsi la responsabilisation du consommateur lors de son acte d’achat.

 

Mais que signifie l’origine « France » aujourd’hui ?

Le code des douanes considère un produit français si la dernière ouvraison principale a été réalisée en France et que 45% du prix unitaire est produit en France. Cette définition ne reflète certainement pas celle des consommateurs. Dans l’imaginaire collectif, le made in France fait plutôt appel à un produit dont les matières premières sont produites en France et chacune des étapes de fabrication également… Un produit 100% tricolore en somme.

Paul Boyer, Directeur de LINportant nous explique ceci : la France est le premier producteur mondial de Lin, pourtant une fois la récolte terminée le lin va transiter dans différents pays (Asie, Italie…) pour poursuivre les étapes de sa conception : le teillage, le peignage, la filature, le tissage, le tricotage, l’ennoblissement … De ce fait, peut-on étiqueter un t-shirt en lin comme étant « fabriqué en France « ?

La notion même de « Made in France » doit être redéfinie pour assurer une réelle transparence envers le consommateur.  Elle doit également être mieux protégée, car aujourd’hui l’étiquetage « Made in France » est très peu contrôlé, basé sur du déclaratif et donc soumis à de nombreuses fraudes marketing.

Photos salon septembre 2020 © Alexandre Gallosi

 

Est-ce possible sur des produits complexes tels que le textile ? De la production de la fibre à l’assemblage du produit fini, est-on capable de créer des produits 100% français ?

Le territoire français fait face à un manque de compétences dû en partie au désamour des métiers manuels. Ce n’est certainement pas Rodolphe Meersschaert, Directeur de production chez agnès b qui vous dira le contraire, car il cherche désespérément un façonnier pour produire ses costumes en France. Le savoir-faire n’existe plus. Et quand il existe, les façonniers ne sont pas toujours en mesure de répondre aux exigences de quantités ou de prix et rencontrent de nombreuses difficultés à recruter. Ainsi, la relocalisation induit un changement sociétal et une valorisation des métiers manuels.

 

Et donc, la relocalisation est-elle possible ?

Oui avec une condition : la nécessité de collaborer et fédérer les acteurs. Une marque, une entreprise, un gouvernement ne peuvent porter seuls le projet de relocalisation. Il faut réunir les acteurs communs d’un même territoire pour créer une dynamique et permettre la réussite du projet.

Ainsi le salon « Made in France » s’est achevé, nous laissant avec la conviction d’un secteur textile plus qu’engagé dans sa réforme et le sentiment d’avoir rencontré des acteurs convaincus, positifs et prêts à s’unir pour accélérer le changement.

Retrouver tous les replays des conférences sur le site : https://www.madeinfrancepremierevision.com/fr/news/.

le 23/09/2020 par Carmel Mc Donald